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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/163

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fille, moi, et je vis ! Quoi donc ? sont-ils pourris ; que veulent-ils encore ? »

— De quoi vis-tu ? As-tu des gages ?

— Quels gages ? Eh ! bârine, on me donne des denrées pour les manger, c’est tout ce qu’il faut. Dieu donne de longs jours à notre bârinia.

Ermolaï revint.

— Le bateau est prêt, dit-il d’une voix bourrue. Va donc chercher la perche.

Soutchok courut chercher la perche. Pendant tout mon entretien avec Soutchok, Vladimir avait regardé ce brave homme avec un sourire très méprisant.

— Quel imbécile ! dit-il en le voyant s’éloigner, un homme sans instruction, un moujik, rien de plus, on ne peut même pas appeler ça un dvorovi ; et il se vante. Comment aurait-il joué la comédie ? Je vous le demande un peu. Vous lui avez fait trop d’honneur en causant avec lui.

Un quart d’heure après, nous étions tous quatre sur le radeau de Soutchok. Quant aux chiens, nous les avions laissés sous la garde du cocher Yégoudile. Nous étions assez gênés sur le radeau. Mais les cochers sont de race accommodante. Soutchok était à l’arrière et poussait, Vladimir et moi avions pris place au milieu.