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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/168

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donna plus signe de vie pendant toute une heure, tout un siècle. Les réponses étaient d’abord devenues rares, puis avaient cessé. Au village, on sonnait les vêpres. Nous ne nous parlions plus ; nous évitions même de nous regarder. Les canards volaient autour de nos têtes et quelques-uns semblaient vouloir s’y poser ; mais tout à coup ils montaient perpendiculairement et s’envolaient hors de vue. Nous commencions à nous engourdir. Soutchok battait des paupières comme un qui va dormir. Enfin, et à notre grande joie, Ermolaï reparut.

— Eh bien ?

— Je suis allé jusqu’au bord, j’ai trouvé un gué, venez.

Nous allions nous mettre en route, mais il sortit de sa poche, sous l’eau, une corde et attacha par les pattes les canards tués, puis prit entre ses dents les deux bouts de la ficelle et partit en avant.

Vladimir le suivit, Soutchok ferma la marche. Il y avait deux cents pas à faire dans l’eau. Ermolaï marchait hardiment sans s’arrêter. Il avait bien observé la route et ne cessait de nous crier : « À gauche. Il y a un creux à droite. » Ou bien : « À droite maintenant ou vous tomberez dans la vase. » Il arrivait que l’eau nous