Aller au contenu

Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Lui-même. J’étais couché sur le lit de planches, j’ai tout entendu.

— C’est étrange. Qu’a donc ce Gavrilo à languir ainsi ? Il lui plaisait, puisqu’elle l’appelait.

— Il lui plaisait, mais oui ! Elle voulait le chatouiller jusqu’à la mort ; voilà ce qu’elle voulait, la roussalka est ainsi.

— Il y a peut-être une roussalka ici, dit Fedia.

— Non, répondit Kostia, ici c’est libre, propre, seulement la rivière est trop près.

Tous se turent. Soudain, au loin, retentit comme une longue plainte, un de ces indéfinissables bruits nocturnes qui semblent naître du silence même, qui montent, se fixent quelque part dans l’air, et s’éteignent lentement. On écoute, le silence recommence et pourtant l’on n’a rien entendu. — Il semblait que quelqu’un longuement criait au loin. Puis dans la forêt quelque chose comme un maigre éclat de rire répondit à ce cri et un sifflement strident jaillit de la rivière. Les enfants s’entre-regardèrent, ils frissonnaient.

— À nous la force de la croix, murmura Ilia.

— Eh ! vous, corbeaux, qu’avez-vous ? cria Pavel ; allons, les pommes de terre sont cuites.

Tous se penchèrent sur le chaudron et se