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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/194

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mais Ouliana le reconnut. Puis elle regarde encore, puis voit passer une baba lentement. Elle la regarda, la vieille Ouliana, elle regarde fixement la baba… Ah ! Seigneur, c’est elle-même qui passe sur la route… elle, Ouliana !

— C’était elle ? dit Fedia.

— Eh oui, elle-même.

— Eh bien ! quoi, elle vit encore.

— Mais l’année n’est pas finie… Regarde-la bien, la vieille Ouliana : l’âme ne tient plus au corps.

Tous se turent de nouveau. Pavel jeta une poignée de bois sec sur le brasier ; les branches noircirent aussitôt, puis flambèrent, fumèrent et se tordirent en élevant leurs pointes embrasées. La lumière dardait de tous côtés ses reflets tremblants et comme saccadés, — tout à coup une colombe blanche vola juste à la crête de la lueur, en battant des ailes.

— Une colombe égarée, dit Pavel, elle va voler jusqu’à ce qu’elle se soit heurtée à quelque chose ; alors elle s’accrochera et, où elle s’accrochera, là elle passera la nuit.

— Eh quoi ! Pavel, ne serait-ce pas plutôt, dit Kostia, l’âme d’un juste qui monte au ciel ?

Pavel jeta sur le feu une autre poignée de branchages.