Aller au contenu

Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passent avec leur seille en allant au lavoir, sans se presser, en se dandinant. Mais Feklista ! Elle pose sa seille par terre et crie à Vassia : « Reviens donc, reviens donc, ma petite lumière ; reviens donc, mon petit faucon ! » Et Dieu sait comment il a pu se noyer : il jouait sur le bord, sa mère était là aussi, elle ramassait du foin ; tout à coup elle regarde et voit flotter le bonnet de Vassia, et entend que quelqu’un lâche des bouteilles sur l’eau. C’est depuis ce jour que Feklista n’a plus sa tête. Elle vient à la rivière, s’étend à terre, — elle s’étend, frères, et se met à chanter une chanson… Vous rappelez-vous la chanson que Vassia chantait toujours ? C’est celle-là qu’elle chante, et puis elle pleure, pleure et se plaint…

— Voilà Pavloucha qui revient, dit Fedia.

Pavel s’approcha du feu, rapportant la chaudière pleine.

— Ah ! frères, dit-il après un silence, ça ne va pas.

— Quoi donc ? demanda violemment Kostia.

— J’ai entendu la voix de Vassia.

Tous frissonnèrent.

— Que dis-tu ? quoi ?… balbutia Kostia.

— Dieu m’est témoin. Je me suis penché sur l’eau et j’ai entendu au fond de la rivière la