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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/230

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Dieu ! ce que c’est, hé ! quelle vue on a ! Et rivières, et prairies, et forêts, ici une église, là de grands prés. On voit loin, loin, oh ! combien loin ! On regarde, on regarde, et… parole !… Ici sans doute la terre est meilleure, c’est de la bonne argile, disent les moujiks, mais pour moi il y a toujours assez de blé partout.

— Eh quoi ! vieillard, dis-moi la vérité ; tu voudrais revoir ton pays ?

— Oui, je le voudrais ; du reste on est bien partout, je suis sans famille, sans bien fixe ; eh bien ! qu’y gagne-t-on quand on reste à la maison, lorsqu’on va, lorsqu’on marche ! on se sent plus léger, parole ! le soleil chauffe mieux, on se sent plus directement sous le regard de Dieu. On chante plus clair… et on regarde pousser l’herbe ; tu la remarques, tu l’arraches si tu veux. Là, c’est de l’eau qui coule, l’eau bénie, l’eau sainte, on boit et on note l’endroit. Et les oiseaux chantent. Derrière Koursk ! ah ! les steppes ! quelle beauté ! quelle joie ! comme c’est grand ; c’est la bénédiction de Dieu ! On dit que ces steppes vont jusqu’aux mers chaudes où chante l’harmonieux oiseau gamaïoul. Là, les arbres sont verts, l’automne et l’hiver même. Des arbustes d’argent y portent des fruits d’or, et les hommes vivent dans le contentement et la jus-