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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/266

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levait une grande maison aussi à colonnes. En outre, à travers le crible de la giboulée, j’aperçus une maison à deux cheminées avec un toit en bois : sans doute l’habitation du starost. Je m’y dirigeai, espérant y trouver un samovar, du thé, du sucre et de la crème fraîche. Accompagné de mon chien transi, je gagnai le perron, franchis le vestibule et j’ouvris la porte. Mais, au lieu du décor ordinaire des izbas, je vis plusieurs tables chargées de papiers, deux armoires rouges, des écritoires tachées de croûtes d’encre, des sabliers d’étain très lourds, de longues plumes, etc. Sur l’une des tables était assis un jeune homme d’une vingtaine d’années, au front huileux, aux tempes longues. Il était vêtu d’un long cafetan de nankin gris tout lustré au collet et à la poitrine.

— Que désirez-vous ? me demanda-t-il en élevant brusquement la tête, à peu près comme font les chevaux qu’on prend à l’improviste par le museau.

— Est-ce ici que demeure le gérant ?…

— C’est ici le principal comptoir seigneurial, dit-il en m’interrompant. Je suis l’employé de service. N’avez-vous pas lu l’enseigne ? Les enseignes sont faites pour être lues.

— Je voudrais me sécher quelque part. Pourrait-on trouver un samovar dans le village ?