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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/296

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— Tout de suite, tout de suite, dit une voix d’enfant.

J’entendis un bruit de pieds nus, la porte s’ouvrit et une petite fille de douze ans parut sur le seuil, une lanterne à la main, la chemise assujettie à la taille par une ceinture de drap.

— Éclaire le bârine, lui dit le garde ; moi, je vais abriter la drojka sous l’avant-toit.

La fillette passa devant moi en m’éclairant.

L’izba consistait en une seule chambre enfumée, basse, nue, sans soupente, ni cloison.

Une touloupe trouée pendait au mur ; sur un banc, un fusil à un coup. Dans un coin, un amas de chiffons et deux grands pots près du four. Sur la table était allumée une torche qui jetait des lueurs intermittentes et tristes. Au milieu de la pièce pendait, de l’extrémité d’une longue perche, un berceau. La fillette éteignit sa lanterne et s’assit de façon à pouvoir, d’une main, balancer le berceau, et de l’autre entretenir la torche. Je regardai tout cela, le cœur serré. Ce n’est pas gai d’entrer de nuit dans une izba de moujik. Le marmot du berceau avait la respiration rapide et pénible.

— Tu es seule ? demandai-je à la jeune fille.

— Seule.

— Tu es la fille du forestier ?