Aller au contenu

Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seurs me comprendront ― dans un silence profond retentit un croassement, un sifflement particulier, un battement régulier d’ailes agiles, et la grosse bécasse se jette au-devant de votre canon.

Voilà ce qu’on appelle se poster en tiaga.

Ainsi donc nous allâmes avec Ermolaï à la tiaga. Mais je dois d’abord vous faire connaître Ermolaï. Imaginez-vous un homme de quarante-cinq ans, de haute taille, au nez effilé, au front bas avec de petits yeux gris, à la chevelure hérissée, aux lèvres épaisses et ironiques. Cet homme porte, été comme hiver, un cafetan jaunâtre, d’une coupe allemande, mais avec une ceinture, un large pantalon bleu ; il est coiffé d’un bonnet, don d’un pomiéstchik dans un moment de bonne humeur ; à sa ceinture pendent deux sacs, l’un devant lui, une sorte de petite besace tordue au milieu pour le plomb et pour la poudre, l’autre derrière pour le gibier. Quant à ses bourres on les lui voit toujours tirer de l’inépuisable doublure de son bonnet. Il aurait facilement pu, avec l’argent que produisait la vente de son gibier, acheter une cartouchière et une gibecière, mais il n’a garde de jamais faire une telle dépense, et il continue à exciter l’admiration des spectateurs par l’adresse avec laquelle, en char-