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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/57

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biles, un sourire doucereux. M. Zverkov tenait ordinairement ses pieds écartés et cachait ses petites mains pelotonnées dans ses poches. Un jour il m’arriva d’aller avec lui à sa campagne ; nous causâmes. En sa qualité d’homme expert et sagace, M. Zverkov voulut m’enseigner la bonne voie.

― Permettez-moi, dit-il d’une voix aiguë, de vous faire observer que vous autres, jeunes gens, vous dissertez sur toutes choses à tort et à travers. Il faudrait d’abord étudier votre patrie. Vous ne connaissez pas encore, Messieurs, la Russie… Voici la chose… Vous ne faites que lire des livres allemands. Ainsi, par exemple, vous parlez de ceci et de cela, des dvorovi… Bon, je ne conteste pas, tout cela est bien ; mais vous ne savez pas ce que sont ces gens-là… (Ici Zverkov se moucha à grand bruit et prit une prise.) Ainsi, permettez-moi de vous raconter une petite anecdote qui pourra vous intéresser. (M. Zverkov toussota.) Vous savez, n’est-ce pas, comment est ma femme ? Vous conviendrez qu’on trouverait difficilement une meilleure femme. Les servantes ont près d’elle, non pas une bonne vie, mais un paradis. Ma femme a pour principe de ne jamais souffrir de domestiques mariées. C’est qu’en effet, dès qu’une