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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/60

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― Bêtise ! bêtise ! ta bârinia ne veut pas de femmes de chambre mariées.

― Malania peut me remplacer.

― Tu oses raisonner ?

― Si c’est votre volonté…

Je vous avoue encore que je fus véritablement abasourdi. Je suis ainsi fait, rien ne m’offense, j’ose le dire, rien ne m’offense autant que l’ingratitude. Je n’ai pas besoin de vous répéter que ma femme est un ange incarné, la bonté même ; je crois que le plus noir scélérat serait désarmé devant elle. Je chassai Arina, pensant que peut-être elle reviendrait à elle. Je ne puis jamais croire au mal, à la noire ingratitude de l’humanité. Eh bien, croyez-vous ? Six mois après elle osa chez moi renouveler sa demande, alors je la chassai, je le reconnais, avec colère et je la menaçai de tout dire à ma femme. J’étais révolté… Mais figurez-vous mon étonnement : quelque temps après ma femme vint soudain à moi en larmes, si agitée que j’en fus même effrayé.

― Qu’est-il arrivé ?

― Arina…

Vous comprenez ?…

J’ai honte de le dire !…

― C’est impossible !… Qui donc ?