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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/65

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fouiller les buissons ; mais la chaleur devint tellement accablante que je dus aviser à la conservation du peu de forces qui nous restaient encore.

Je ne songeai plus qu’à gagner le bord de l’Ista, déjà connu de mes bienveillants lecteurs ; je dévalai de la berge jusqu’à une source bien connue dans tout le district sous le nom de l’Eau de Framboise. Cette source jaillit d’une gerçure de la berge que le temps a peu à peu transformée en un petit ravin assez profond et va de là tomber dans la rivière avec un bruit joyeux. Quelques bouquets vivaces de jeunes chênes viennent encore ajouter au pittoresque du ravin, et autour de la source verdoie une herbe courte et veloutée. Les rayons du soleil ne frappent que par échappées l’onde froide et argentine. Sur l’herbe, je trouvai une sébile de bouleau laissée là par quelque moujik philanthrope. Je me désaltérai, m’étendis à l’ombre, et de là mon regard explora le site.

Près de la baie formée à sa chute par le rapide courant que je dominais, couché comme une agreste divinité fluviale, et qui pullulait de menu poisson frétillant, deux vieillards, que je n’avais pu remarquer en passant à dix pas d’eux tout à l’heure, étaient assis le dos tourné au ra-