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Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/78

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ensorcelé, oui. J’avais un neveu à qui elle a rasé le front[1]… Il lui avait versé du tchécolat[2] sur sa robe neuve, et il n’est pas le seul qu’elle ait fait raser. Et, tout de même, je dirai que c’était là le bon petit vieux temps ! ajouta le vieillard en poussant un profond soupir. Il baissa la tête et se tut.

― Eh ! ton bârine, on voit ça, était un homme sévère, repris-je après un silence.

― C’était le goût et la manière de ce temps-là, répondit Touman en branlant la tête.

― Aujourd’hui, ce sont des choses qui ne se font plus, ajoutai-je en l’observant avec attention.

Il me jeta un coup d’œil oblique.

― Oui, aujourd’hui, à la bonne heure, c’est… mieux, murmura-t-il.

Et il lança sa ligne plus loin.

Nous étions assis à l’ombre et nous n’en suffoquions pas moins de chaleur ; le visage enflammé appelait les vents ; mais il n’y avait pas un souffle à espérer ; le soleil dardait impitoyablement ses rayons sous un azur foncé. Droit devant nous, sur la rive opposée, était un champ

  1. C’est-à-dire qu’on l’avait fait soldat en punition de quelque faute.
  2. Chocolat.