Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/93

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et il pense : « Il y a pourtant un remède, il faut le trouver. N’est-ce pas celui-ci ? » Puis on fait l’expérience ; ce n’est pas cela, alors tu te hâtes d’arrêter l’effet du médicament, tu emploies quelque autre moyen, puis un autre encore, tu fouilles tes livres et cependant le malade se meurt. Un autre médecin la sauverait et on se dit : « Il faut une consultation, je dois songer à une responsabilité. » Ah ! quelle tête de sot on a dans ces occasions ! Mais on s’y fait : le malade meurt, ce n’est pas la faute du médecin, il a procédé dans l'ordre. Une chose cruelle encore : le médecin voit qu’on a en lui une confiance absolue et, d’autre part, on se sent impuissant, et c’était précisément cette confiance qu’avait en moi toute la famille d’Alexandra Andréevna. On en oubliait que la fille fût en danger. Je ne leur avais que trop facilement fait croire qu’il n’y avait rien à craindre, tandis que j’étais moi-même plein d’anxiété. D’ailleurs, il ne fallait pas songer à s’échapper. Un temps abominable, il fallait vingt-quatre heures au cocher pour aller chercher les médicaments et les rapporter. Et je ne sors plus de la chambre de la malade, pas moyen de m’en arracher ! Et qu’est-ce que j’y fais ? Je raconte des anecdotes, je joue aux cartes avec la mourante, je passe la nuit dans un fauteuil et cela