Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/96

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coup, je me sens heurté. Je tourne la tête, Seigneur Dieu ! Alexandra Andréevna, les yeux grands ouverts, la bouche béante, les joues pourpres : « Qu’avez-vous ? ― Docteur, je vais mourir, n’est-ce pas ? ― Que dites-vous là ? ― Non, non, ne me dites pas que je puis vivre, ne me le dites pas. Si vous saviez… Écoutez, pour Dieu, ne me cachez pas la vérité… » Elle est haletante ; elle ajoute en précipitant ses paroles : « Si je suis certaine de mourir, je vous dirai tout, tout ― Alexandra Andréevna, que dites-vous ! ― Écoutez, je ne dormais pas, tout à l’heure, il y a une heure que je vous regarde. Au nom de Dieu, je vous croirai, je sais que vous êtes bon et sincère. Je vous supplie, par tout ce qu’il y a de sacré, de me dire la vérité, vous ne pouvez savoir combien c’est important pour moi. Docteur, dites, je suis en danger, n’est-ce pas ? ― Qu’est-ce que vous voulez me faire dire là ? ― Je vous en supplie. ― Eh bien, je ne vous cacherai pas qu’en effet vous n’êtes pas hors de danger, Alexandra Andréevna ; mais Dieu est bon et… ― Je vais mourir, je vais mourir ! » Elle semblait réjouie, son visage rayonnait d’une étrange gaieté. « N’ayez pas peur, je ne crains pas la mort. » Elle se souleva brusque-