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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/187

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« Patience, patience ! » semblaient dire ces yeux emplis de bonheur.

— Oh ! Gemma ! cria Sanine, pouvais-je espérer que tu m’aimerais un jour ?

Le cœur du jeune Russe vibra comme une corde tendue quand ses lèvres prononcèrent pour la première fois ce mot : « tu ».

— Je ne le croyais pas non plus, dit doucement Gemma.

— Pouvais-je deviner, continua Sanine, pouvais-je deviner en arrivant à Francfort, où je croyais ne passer que quelques heures, que je trouverais ici le bonheur de ma vie entière ?

— De ta vie entière ? Est-ce vrai ? demanda Gemma.

— De ma vie entière, pour toujours, et à jamais ! cria Sanine avec un nouvel élan.

Le râteau du jardinier remuait le gravier à deux pas du banc sur lequel les deux jeunes gens se trouvaient.

— Allons-nous-en, rentrons chez moi…, veux-tu ? proposa Gemma.

Si, à cet instant, elle eût dit à Sanine : « Jette-toi dans la mer… veux-tu ? » il se se-