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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/100

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CHAPITRE IX


Litvinof s’endormit fort tard et ne dormit guère ; il se leva avec le soleil. Le faîte des sombres montagnes, qu’on voyait de ses fenêtres, se dessinait sur un ciel azuré. « Comme il doit faire frais sous ces arbres ! » pensa-t-il ; il s’habilla promptement, jeta un coup d’œil distrait sur le bouquet, qui s’était encore plus épanoui pendant la nuit, prit sa canne et se dirigea vers le vieux château. Inondé par les fortes et calmes caresses du matin, il respirait à l’aise, s’avançait intrépidement, la santé de la jeunesse jouait dans chacune de ses veines, et la terre elle-même semblait rebondir sous ses pieds. Chaque pas le rendait plus alerte et plus gai : il marchait à l’ombre, sur le sable ferme d’une petite allée bordée de sombres sapins sur lesquels se détachaient en vert tendre les pousses printanières. « C’est délicieux, » s’écriait-il parfois. Tout à coup il entendit des voix qui lui étaient connues, et vit s’avancer Vorochilof avec Bambaéf. Cette vue l’arrêta court : comme un écolier fuyant son maître, il se jeta de côté et se cacha derrière un buisson. « Créateur ! ne put-il s’empêcher de dire, éloignez mes compatriotes ! »