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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/132

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tendu parler assez au long. N’est-il pas vrai ? Ne me le cachez pas ?

— Vous occupiez, Irène Pavlovna, une place trop élevée dans le monde pour être à l’abri de commentaires… surtout en province où on croit à toute espèce de bruit.

— Vous y avez ajouté foi ? de quel genre étaient ces bruits ?

— Je vous avoue qu’ils ne venaient que très rarement jusqu’à moi. Je vivais solitairement.

— Vous avez été cependant comme volontaire en Crimée ?

— Vous avez su cela ?

— Comme vous voyez. Je vous ai dit que je vous surveillais.

Litvinof fut de nouveau déconcerté.

— Pourquoi donc, reprit-il à demi-voix, entreprendrais-je de vous raconter ce que vous savez sans moi ?

— Pour satisfaire mon désir, Grégoire Mikhailovitch.

Litvinof baissa la tête et commença à raconter, un peu confusément et à la hâte, ses aventures dénuées d’incidents compliqués. Souvent il s’arrêtait, demandant du regard à Irène de lui faire grâce. Mais elle exigeait implacablement la fin de son récit et, ses cheveux rejetés derrière les oreilles, appuyée sur un bras du fauteuil, elle semblait saisir chaque mot avec un redoublement d’attention. Cependant si quelqu’un avait suivi le jeu de sa physionomie, il