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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/212

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— Oui, c’était ma fiancée, répondit Litvinof en appuyant sur le mot « c’était. »

— Eh bien ! j’ai voulu vous voir une minute pour vous dire que vous devez vous considérer comme entièrement libre, que tout ce qui s’est passé hier ne doit pas changer vos résolutions…

— Irène ! s’écria Litvinof, pourquoi me dis-tu cela ?

Il prononça ces mots à haute voix ; ils étaient empreints d’une passion insensée. Irène ferma un moment les yeux. — Ah ! continua-t-elle plus bas, mais avec un entraînement irrésistible, tu ne sais pas combien je t’aime, mais hier je n’ai fait que payer ma dette, réparer ma faute. Je n’ai pu, comme je l’aurais voulu, te rendre ma jeunesse, mais je ne t’ai imposé aucune obligation, je ne t’ai délié d’aucune promesse. Ô mon ami, fais ce que tu veux, tu es libre comme l’air, rien, rien ne te lie envers moi, sache-le bien !

— Mais je ne puis vivre sans toi, Irène, murmura à son tour Litvinof, je suis à toi pour toujours. Ce n’est qu’à tes pieds que je puis vivre.

Il se pencha sur ses mains. Irène regarda sa tête inclinée.

— Sache alors, dit-elle, que moi aussi je suis prête à tout, que je ne regretterai rien ni personne. Ce que tu décideras sera fait. Moi aussi je suis à toi… pour toujours.

Quelqu’un gratta à la porte. Irène se baissa, murmura encore une fois : « à toi… adieu ! » Litvinof