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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/246

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Grégoire Mikhailovitch, — et des larmes se mirent à couler en petites gouttes rapides le long de ses joues. — Maintenant elle fait la brave, vous connaissez son caractère ; elle ne se plaint pas, elle ne sait pas se ménager, raison de plus pour que les autres aient pitié d’elle. À présent, elle s’épuise à me répéter : « Tante, il faut conserver notre dignité, » il s’agit bien de dignité ici, c’est la mort, la mort !… — Tatiana remua une chaise dans la chambre voisine. — Oui, c’est la mort que je prévois, continua encore plus haut la bonne vieille. Et qu’est-ce qui a donc pu arriver ? Êtes-vous ensorcelé ? Y a-t-il longtemps que vous lui avez écrit les plus tendres lettres ? Enfin un homme loyal peut-il se conduire ainsi ? Je suis, vous le savez, une femme sans préjugés, un esprit fort ; j’ai donné à Tatiana une éducation semblable, elle a aussi une âme libre.

— Tante ! entendit-on de la chambre voisine.

— Mais une parole d’honneur c’est un devoir, Grégoire Mikhailovitch, surtout pour des hommes avec vos principes, avec nos principes. Si nous ne reconnaissons plus nos devoirs, qu’est-ce qui nous reste ? On ne peut pas enfreindre cela selon son bon plaisir, sans peser ce qui en résulte pour les autres. C’est inique, oui, c’est criminel. Qu’est-ce que c’est que cette liberté ?

— Tante, viens ici, je t’en prie, entendit-on de nouveau.

— Tout de suite, mon cœur, tout de suite… Capitoline Markovna saisit la main de Litvinof : — Je