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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/288

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vingt-cinq. Il lui demanda s’il connaissait les propriétaires de Chestof.

— De Chestof ? Comment ne pas les connaître ! Ce sont de braves dames, il n’y a rien à dire. Elles soignent les pauvres gens. Ce sont de vrais médecins. On vient chez elles de tous les alentours. Il y a foule. Quand, par exemple, quelqu’un tombe malade ou se blesse, tout de suite on va chez elles ; elles vous donnent du vulnéraire, une petite poudre ou un emplâtre, et cela soulage. Et il n’y a pas à les remercier. « Nous ne faisons pas cela pour de l’argent, » disent-elles. Elles ont aussi ouvert une école… mais, quant à ça, c’est des bêtises.

Tandis que le postillon jasait, Litvinof ne détachait pas ses yeux de la maisonnette. Une femme vêtue de blanc apparut sur le balcon, sembla y guetter quelque chose, puis disparut.

— N’est-ce pas elle ?

Son cœur eut un violent sursaut.

— Plus vite ! plus vite ! cria-t-il au postillon.

Celui-ci lança ses chevaux. Encore quelques instants… et la calèche dépassa un portail ouvert. Sur le perron était déjà accourue Capitoline Markovna ; hors d’elle-même, toute rouge, frappant des mains, elle criait :

— Je l’ai reconnu, je l’ai reconnu la première ! c’est lui, c’est lui ! je l’ai reconnu !

Litvinof sauta lestement à terre, ne laissant pas à un petit cosaque le temps d’ouvrir la portière, et, embrassant à la hâte Capitoline Markovna, il se