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Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/183

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toi et moi, nous avons été battus ;… voilà ce que c’est que d’être des gens civilisés !

Arcade sourit d’un air contraint ; quant à Bazarof, il se détourna et n’ouvrit plus la bouche pendant tout le reste du voyage.

Les vingt-cinq verstes parurent à Arcade aussi longues que cinquante. Le petit village qu’habitaient les parents de Bazarof se montra enfin sur le versant d’un coteau peu élevé. Près de là, au milieu d’un bouquet de jeunes bouleaux, s’élevait la maison seigneuriale, couverte d’un toit de chaume. À l’entrée du village se tenaient, le bonnet sur la tête, deux paysans qui se disputaient. « Tu es un gros cochon, disait l’un d’eux. — Et toi, tu n’es qu’un petit cochon, et ta femme est une sorcière, » lui répondait l’autre.

— Cette gracieuse familiarité, dit Bazarof à Arcade, et le tour enjoué de cette altercation doivent te convaincre que les paysans de mon père ne sont pas menés trop sévèrement. Mais le voilà lui-même qui montre le nez hors du logis. Il a sans doute entendu la clochette ! c’est bien lui ; je reconnais sa balle. Eh ! eh ! comme il a blanchi, le pauvre diable !


XX


Bazarof s’était penché hors du tarantass ; Arcade éleva la tête par-dessus les épaules de son ami, et aperçut, sur le perron de la maison seigneuriale, un grand