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Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/78

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— Il ne manque pas d’amour-propre, j’en conviens, reprit son frère ; c’est inévitable, à ce qu’il paraît. Mais voici une chose qui me passe. Je fais tout ce que je peux pour marcher avec le siècle ; j’ai fait une position à mes paysans et établi une ferme sur mes terres, ce qui m’a valu d’être appelé rouge dans tout le gouvernement ; je lis, j’étudie, et fais des efforts pour être au niveau des besoins du pays, et ils disent que ma chanson est finie. Après tout il est bien possible qu’ils aient raison.

— Comment cela ?

— Écoute, aujourd’hui j’étais assis à lire Pouchkine ; je venais de commencer les Bohémiens… lorsque tout à coup Arcade s’approche de moi en silence avec une sorte de compassion caressante ; il me prit doucement mon livre, comme il l’eût fait à un enfant, et le remplaça par un autre, un livre allemand… puis, il sourit et se retira en emportant Pouchkine.

— Vraiment ? Et quel est le livre qu’il t’a donné ?

— Le voici.

Kirsanof sortit de la poche de derrière de sa redingote la neuvième édition de la fameuse brochure de Buchner. Paul en tourna quelques pages.

— Arcade s’occupe de ton éducation, dit-il ; as-tu essayé de lire cela ?

— Oui.

— Eh bien ?

— Il faut que je sois bête ou que l’auteur n’ait pas