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PREMIER AMOUR

fut alors que je vis pour la première fois, et probablement pour la dernière, combien de douceur et de regrets pouvaient exprimer ses traits.

Il galopa de nouveau et je ne pouvais plus le rejoindre. J’arrivai à la maison un quart d’heure après lui :

« Voilà ce qu’est l’amour, » me disais-je de nouveau la nuit, assis devant mon bureau, sur lequel commençaient déjà à reparaître des cahiers et des livres. « Voilà la passion !… Comment, me demandais-je, ne pas se révolter ? Comment supporter un coup d’une main, n’importe laquelle ? fût-ce même d’une main adorée ? Et évidemment on le peut quand on aime !… Et moi !… Moi qui m’imaginais… »

Ces dernières semaines m’avaient beaucoup vieilli. Combien mon amour, avec ses agitations, ses troubles et ses souffrances, me semblait à moi-même quelque chose d’enfantin,