Page:Tourgueniev - Premier Amour, trad. Halpérine-Kaminsky.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
PREMIER AMOUR

venus le 9 mai, juste le jour de Saint-Nicolas. Je me promenais tantôt dans notre jardin, tantôt de l’autre côté du mur d’enceinte. J’emportais avec moi quelques livres, — le traité de Kaïdanov entre autres ; — mais, celui-là, je l’ouvrais rarement ; je préférais me réciter tout haut à moi-même des vers que je savais par cœur. La sève bouillonnait en moi, et mon cœur languissait d’une façon douce et plaisamment romanesque. J’attendais je ne sais quoi, je m’intimidais, je m’étonnais et j’étais toujours sur le qui-vive. Mon imagination vagabondait et voltigeait rapidement autour des mêmes images, comme, à l’aube, les martinets autour du clocher.

Je devenais rêveur ; je m’attristais, je pleurais même. Mais de la tristesse et des larmes qui m’inondaient, sous l’impression d’un vers musical ou de la beauté d’une soirée, sortait comme une fleur de printemps, le senti-