Après les cuisants chagrins causés par le mari, viennent ensuite les grossesses, les maladies, le manque d’ouvrage et la misère, la misère, qui est toujours là
fut saisie d’une si grande douleur, d’un si grand repentir, que,
malgré son crime, elle inspira à tout le monde, non seulement
de la compassion, mais encore du respect. — Il fut facile d’établir
que c’était le mari qui l’avait provoquée ; que le meurtre
avait été commis dans un moment de colère, mais sans nulle préméditation.
— Sa douleur était telle, qu’on craignait pour sa vie,
et comme elle nourrissait un enfant de quatre mois, le juge d’instruction,
croyant la calmer, lui dit qu’elle pouvait se tranquilliser,
qu’elle serait acquittée. — Mais quelle fut la surprise de tous
les assistants, lorsqu’en entendant ces paroles cette femme s’écria :
— « Moi, acquittée ! Ah ! monsieur le juge, qu’osez-vous dire ?…
Si l’on acquittait une misérable comme moi, il n’y aurait plus
aucune justice sur la terre. »
On employa tous les raisonnements pour lui faire comprendre
qu’elle n’était point criminelle, puisqu’elle n’avait pas eu la pensée
de commettre un meurtre. — « Eh ! qu’importe la pensée ?
répétait-elle, s’il y a en moi une brutalité qui me porte tantôt
à estropier un de mes enfants, tantôt à tuer mon mari ? — Ne
suis-je pas un être dangereux, incapable de vivre parmi la société ? »
— Enfin, lorsqu’elle fut bien convaincue qu’elle serait
acquittée, cette femme, brute, sans la moindre éducation, prit
une résolution digne des hommes les plus forts de la République
romaine. — Elle déclara qu’elle voulait se faire justice à elle-même
et qu’elle allait se laisser mourir de faim… Et avec quelle
force, quelle dignité elle exécuta cette terrible sentence de
mort prononcée par elle-même ! — Sa mère, sa famille, ses sept
enfants, vinrent la supplier en pleurs de consentir à vivre pour
eux. — Elle rendit à sa mère son petit nourrisson en disant : —
« Apprenez à mes enfants à se féliciter d’avoir perdu une pareille
mère, car, dans un moment de brutalité, je pourrais les tuer,
comme j’ai tué leur père. » — Les juges, les prêtres, les femmes
du marché, et beaucoup de personnes de la ville, allèrent auprès
d’elle pour la solliciter en sa faveur. Elle fut inébranlable. —
Alors, on essaya d’un autre moyen ; on mit dans sa chambre des
gâteaux, des fruits, du laitage, du vin, des viandes ; on alla jus
qu’à faire rôtir de la volaille qu’on lui apportait toute chaude,