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Page:Tristan - Union ouvrière, 1844 (2e édition).pdf/111

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faut. — Pour peu qu’un jeune homme ait de la capacité, s’il a le bonheur d’être sous la protection d’une de ces femmes aimables, sa fortune est faite. — À trente-cinq ans il est sûr d’être ambassadeur ou ministre. — Tandis que vous, pauvres ouvriers, pour vous élever, vous instruire, vous n’avez que votre mère ; pour faire de vous des hommes sachant vivre, vous n’avez que les femmes de votre classe, vos compagnes d’ignorance et de misère[1]. Ce n’est donc pas au nom de la supériorité de la

  1. Je viens de démontrer que l’ignorance des femmes du peuple a les conséquences, les plus funestes. — Je soutiens que l’émancipation des ouvriers est impossible tant que les femmes resteront dans cet état d’abrutissement. — Elles arrêtent tout progrès. — Parfois j’ai été témoin de scènes violentes entre le mari et la femme. — Souvent j’en ai été victime, en recevant les injures les plus grossières. — Ces pauvres créatures, ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez, comme on dit, se mettaient en fureur après le mari, et après moi, parce que l’ouvrier perdait quelques heures de son temps, à s’occuper d’idées politiques ou sociales. — « Qu’as-tu besoin de t’occuper des choses qui ne te regardent pas ? s’écriaient-elles, pense à gagner de quoi manger et laisse aller le monde comme il voudra. »
    Ceci est cruel à dire, mais je connais de malheureux ouvriers, hommes de cœur, d’intelligence et de bon vouloir, qui ne demanderaient pas mieux de consacrer leur dimanche et leurs petites épargnes au service de la cause, et qui, pour avoir la paix dans leur maison, cachent à leur femme et à leur mère qu’ils viennent me voir et qu’ils m’écrivent. Ces mêmes femmes m’ont en exécration, disent des horreurs de moi, et, sans la crainte de la prison, peut-être pousseraient-elle le zèle jusqu’à venir m’injurier chez moi et me battre, et tout cela, parce que je commets le grand crime, disent-elles, de mettre en tête de leurs hommes des idées qui les obligent à lire, à écrire, à parler entre eux, toutes choses inutiles qui font perdre du temps. — Ceci est déplorable ! — Cependant j’en ai rencontré quelques unes capables de comprendre les questions sociales et, qui se montrent dévouées