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Page:Tristan - Union ouvrière, 1844 (2e édition).pdf/94

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un moment ; mais, poussée par la logique, elle a répondu : Eh bien ! mettons que les femmes ne soient pas ce que les sages ont cru ; supposons même qu’elles aient beaucoup de force morale et beaucoup d’intelligence : eh bien ! dans ce cas, à quoi servirait de développer leurs facultés, puisqu’elles ne trouveraient pas à les employer utilement dans cette société qui les repousse ? — Quel supplice plus affreux que de sentir en soi la force et la puissance d’agir, et de se voir condamné à l’inaction !

Ce raisonnement était d’une vérité irréfragable. — Aussi tout le monde de répéter : C’est vrai, les femmes souffriraient trop si l’on développait en elles les belles facultés dont Dieu les a dotées, si dès leur enfance on les élevait de manière à ce qu’elles comprissent bien leur dignité d’être et qu’elles eussent conscience de leur valeur comme membres de la société ; jamais, non, jamais elles ne pourraient supporter, la condition avilissante que l’Église, la loi et les préjugés leur ont faite. Il vaut mieux les traiter comme des enfants et les laisser dans l’ignorance sur elles-mêmes ; elles souffriront moins.

Suivez bien, et vous verrez quelle effroyable perturbation résulte uniquement de l’acceptation d’un faux principe.

Ne voulant pas m’écarter de mon sujet, bien qu’ici l’occasion soit belle pour parler au point de vue général, je rentre dans mon cadre, la classe ouvrière.

Dans la vie des ouvriers la femme est tout. — Elle est leur unique providence. — Si elle leur manque, tout leur manque. Aussi disent-ils « C’est la femme qui fait ou défait la maison, » et ceci est l’exacte vérité ; c’est pourquoi on en a fait un proverbe. — Cependant quelle éducation, quelle instruction, quelle direction, quel développement moral ou physique