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laire de sa journée, et n’est dans la maison que la très humble servante.

Il résulte de ceci que le mari traite sa femme pour le moins avec beaucoup de dédain. — La pauvre femme, qui se sent humiliée dans chaque parole, dans chaque regard que son mari lui adresse se révolte ouvertement ou sourdement, selon son caractère ; de là naissent des scènes violentes, douloureuses qui finissent par amener entre le maître et la servante (on peu : même dire l’esclave, car la femme est, pour ainsi dire, la propriété du mari) un état constant d’irritation. — Cet état devient si pénible, que le mari, au lieu de rester chez lui à causer avec sa femme, se hâte de fuir, et comme il n’a point d’autre lieu où aller, il va au cabaret boire du vin bleu avec d’autres maris aussi malheureux que lui, dans l’espoir de s’étourdir[1].

  1. Pourquoi les ouvriers vont-ils au cabaret ? — L’égoïsme a frappé les hautes classes, celles qui gouvernent, d’une cécité complète. — Elles ne comprennent pas que leur fortune, leur bonheur, leur sûreté, dépendent de l’amélioration morale, intellectuelle et matérielle de la classe ouvrière. Elles abandonnent l’ouvrier à la misère, à l’ignorance, pensant, selon l’ancienne maxime, que plus le peuple est brute, plus il est facile à museler — Ceci était bon avant la déclaration des droits de l’homme ; depuis, c’est commettre un grossier anachronisme, une faute grave. — Du reste, il faudrait être au moins conséquent : si l’on croit qu’il soit d’une bonne et savante politique de laisser la classe pauvre à l’état de brute, alors pourquoi récriminer sans cesse contre ses vices. — Les riches, accusent les ouvriers d’être paresseux, débauchés, ivrognes ; et pour appuyer leurs accusations, ils s’écrient : — « Si les ouvriers sont misérables, c’est uniquement " « par » «  » « leur faute » ". — Allez aux barrières, entrez dans les cabarets, vous les trouverez remplis d’ouvriers qui sont là à boire et perdre. leur temps. » — Je crois que si les ouvriers, au lieu d’aller au cabaret, se réunissaient sept (nombre que permettent les lois de septembre) dans une chambre, pour s’y instruire en commun de