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Page:Trobriand - Le rebelle, 1842.djvu/14

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— Le conseiller Barterèze ! s’écria Laurent qui venait d’apercevoir le visage d’un homme derrière un rideau soulevé.

— Lui-même, reprit son interlocuteur qui sans rien ajouter se perdit aussitôt dans la foule.

— Ne venez-vous pas, M. de Hautegarde ? demandèrent quelques hommes, comme il demeurait pensif à la même place.

— Allons ! allons ! fit-il en secouant violemment la tête comme pour chasser une pensée importune, geste qui, du reste, lui était familier.

II.


Au centre de l’emplacement occupé par la foule qui pouvait monter environ à huit ou dix mille personnes, s’élevait une sorte de plateforme réservée aux orateurs du jour et autour de laquelle flottaient plus de cent drapeaux emblématiques. Personne n’occupait la tribune au moment où Laurent de Hautegarde traversa l’assemblée. Son front s’était rembruni depuis les derniers mots de l’étranger. Il paraissait en proie à une agitation intérieure et ne s’aperçut de l’effet produit par son arrivée que lorsque son nom circula dans les groupes. Bientôt il fut environné d’hommes qui l’engageaient avec instance à prendre la parole. L’influence que le jeune patriote s’était acquise personnellement par ses opinions et sa conduite appartenait dès long-tems à sa famille. Les Hautegarde étaient de l’ancienne noblesse de France, devenue depuis noblesse canadienne. Le premier de cette famille qui s’établit dans le Canada, était Hugues-Vincent Marryet comte de Hautegarde, capitaine au régiment de Carignan. Il était arrivé à Québec en 1665 avec le marquis de Tracy, et M. de Sallières alors colonel de ce régiment qui venait de Hongrie où il s’était fort distingué contre les Turcs. Presque tous les officiers de ce corps, auquel appartenaient aussi M M. de Sorel et de Chambly, obtinrent des terres en fief et seigneurie, s’établirent et se marièrent dans le pays. M. de Hautegarde fut au nombre de ces gentilshommes à propos desquels le père Charlevoix soutient dans son histoire : « Que le Canada a eu plus de noblesse ancienne qu’aucune autre colonie française. » Depuis lors, les Hautegarde se distinguèrent constamment dans les faits d’armes et les combats sans nombre où se signalèrent brillamment les volontaires de la noblesse canadienne, périodes guerrières où l’on retrouve à chaque page les noms de Juchereau, de Bienville, de Boisbriand, Lemoyne, de Rouville, de Longueil, de Saint-Hélène,