Page:Trollope - La Pupille.djvu/187

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jamais plus voir briller le soleil dans mon beau pays ! Mais non, je ne suis pas honteux, mon bon Arthur, maintenant que je sais que vous n’êtes pas, comme je le craignais, piqué contre moi et disposé à me condamner dans le fond de votre cœur. Ce que je fais aujourd’hui n’est pas seulement le résultat d’un raisonnement, mais encore un acte libre et spontané de ma volonté ; et, vous le savez, ma volonté à moi est inébranlable, terrible… elle a causé mon malheur… Croyez-vous maintenant, mon cher comte, que je vais aller m’humilier, le bonnet à la main, devant cette affreuse petite pécore au nez de singe, demander son consentement pour faire ce qui me plaît, et agir d’après ses ordres ?

— Certainement, mon cher fanfaron, vous vous y conformerez, et voilà ce qui sera prodigieusement amusant, répondit lord Broughton en riant de nouveau. Voyons, dites-moi, mon bien-aimé Timothée, pourquoi trouvez-vous nécessaire de tourmenter cette céleste créature, qui d’ailleurs est le seul chef connu de la famille Thorpe, et qui me paraît en outre assez encline à l’impertinence, lorsqu’il vous serait si facile de prendre le rôle qui vous convient, sans risquer d’être maltraité ?

— J’aime la lutte et le tapage, lord Broughton, et je les préfère aux tendresses ; cela m’amuse. Sans compter, pour dire la vérité, et sans pour cela vous faire tort, que je doute que Votre Seigneurie ait autant de philosophie que moi. Je suis un grand philosophe, moi, Thelwell… Broughton… Que le diable emporte la kyrielle de vos nobles noms ! Un grand philosophe, et plus grand que vous ne croyez… et vous serez forcé de l’avouer vous-même, avant que je quitte ce pays ; mais nous perdons notre temps et j’ai à faire. Adieu, milord ; je ne ferai pas attendre votre dîner, si je puis faire autrement. »