Page:Trollope - La Pupille.djvu/194

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Mistress Heathcote, sur un sofa près du feu, enseignait à lire à son plus jeune fils ; autour d’une grande table chargée d’ustensiles de pêche, le major et Frédéric se préparaient des lignes, et dans un petit coin Florence écrivait pour sir Charles le récit qu’il lui avait demandé. À l’entrée de M. Jenkins, personne ne le reconnut, excepté le major, qui s’avançait pour lui parler, quand le visiteur s’écria en examinant le salon :

« Comme vous semblez être bien ici ! J’espère que vous ne me trouverez pas trop impertinent de venir ainsi vous déranger. Je viens d’expliquer à celle dont vous voulez bien vous charger d’être le tuteur pourquoi je désire tant faire connaissance avec vous tous. Ces lieux sont de vieux amis à moi, mistress Heathcote ; j’étais autrefois très-lié avec les Temple, les Broughton et les Thorpe. Il y a bien longtemps de cela ; et cependant, vous devez comprendre… à peu près… le sentiment qui me fait désirer de me lier aussi avec vous tous. »

Quoique ceci fût dit très-vite, il y avait dans l’accent de M. Timothée Jenkins une tristesse profonde qui lui gagna le cœur des bons Heathcote.

« Personne ne peut mieux vous comprendre qu’un ancien soldat, répondit le major ; je n’oublierai jamais ce que j’ai éprouvé en revoyant notre village, qu’habitait mon pauvre père, après avoir passé cinq ans en garnison à Gibraltar. Il me semblait retrouver des amis dans chaque arbre, dans chaque plante. Les tables et les chaises même m’étaient devenues chères.

— Oui ; mais vous, major Heathcote, vous y avez retrouvé votre digne père vivant, et cela fait une grande… Sont-ce là vos fils ? Il est même inutile de le demander. Ils ont les traits de leur douce mère et de leur bon père. Je n’ose pas venir vous prendre la main,