Page:Trollope - La Pupille.djvu/215

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Il valait beaucoup mieux lui proposer cet expédient que de la faire écrire au baronnet.

— Il n’y a pas de temps perdu, et petit à petit je deviendrai maître de son esprit.

— Folie ! Moi je suis sûre que vous serez assez faible pour que votre mépris pour elle l’emporte sur nos intérêts. Vous savez fort bien que, dans ces sortes d’affaires, les plus pressés réussissent le mieux. Cela serait différent pour un homme qui aurait la chance de se faire aimer ; celui-là aurait raison d’attendre que la jeune fille fût complètement dominée par l’amour. Mais le cas est absolument contraire, car vous ne pouvez pas imaginer que, plus elle réfléchira, et plus elle sera disposée à dire oui.

— Vous avez raison, Marguerite, il faut une solution. La chose sera décidée dès demain.

— À la bonne heure, Richard ; c’est ainsi que tout homme intelligent doit agir. Je vous aurais souhaité une créature moins méchante, moins haïssable et moins méprisable ; mais comme on ne peut pas tout avoir, il faut prendre ce qui nous est le plus utile, l’argent !! Pour nous, la femme n’est que l’accessoire.

— Ne nous inquiétons pas d’elle, Marguerite. Je sais que c’est bien le plus vilain petit monstre que j’aie jamais connu ; mais une fois mariée elle changera. D’abord je ne serai plus l’amoureux Richard, mais monsieur Brandenberry, propriétaire de Broad-Grange et de Thorpe-Combe, à qui sa femme obéira et dont il sera le maître absolu. Je vous assure que je m’arrangerai de manière à vivre fort heureux. »

Là-dessus le frère et la sœur se séparèrent en se serrant la main. Richard alla se promener à cheval, et Marguerite essaya devant sa glace comment elle recevrait les nobles visiteurs qui viendraient la voir à Thorpe-Combe, après le mariage de son frère.