Page:Trollope - La Pupille.djvu/226

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chise habituelle, les caractères de vos deux cousins, Florence et Algernon Heathcote.

— Ce que vous venez de me confier, répondit Sophie qui avait compris tout d’abord le parti qu’elle pouvais tirer de son voisin, m’oblige, cher monsieur, à vous répondre plus sérieusement encore. Votre grande bonté pour moi, et l’affectueuse confiance dont vous voulez bien m’honorer, me font un devoir d’être sincère. Algernon et Florence sont malheureusement d’indignes jeunes gens, faux, menteurs, sans cœur, avares, ingrats, et incapables de s’attacher jamais à un malheureux. Je ne vous dis tout cela qu’à regret et par affection pour vous, cher monsieur ; quant au reste, je le tairai, ça m’est trop personnel. Il est de ces vérités trop pénibles à dire, quand elles ont pour objet des personnes de notre famille. Mais vous, si noble et si bon, évitez de vous attacher à ces gens-là. En vous disant cela, je ne fais que remplir un devoir bien rigoureux. »

M. Jenkins se leva, et, s’approchant de Sophie, il lui prit la main et lui dit avec une gravité qui intimida un moment la jeune intrigante :

« Encore une question, une seule et dernière. Florence Heathcote a-t-elle un mauvais caractère ?

— Hélas ! oui, répondit Sophie d’une voix émue et en semblant faire un violent effort pour parler.

— Maintenant, au revoir, reprit M. Jenkins en paraissant fort satisfait. Je vais passer une ou deux semaines à Londres pour des affaires particulières, et, à mon retour à Broughton-Castle, je m’empresserai de venir vous faire visite.

— À Londres pour affaires particulières ! C’est évidemment pour de l’argent, » pensa Sophie. Aussi, se levant avec empressement, elle répondit d’une voix caressante : « Que Dieu vous accompagne, cher mon-