Page:Trollope - La Pupille.djvu/268

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— Calmez-vous, cher monsieur Brandenberry, car j’ai bien besoin de vos conseils, et, si vous ne m’écoutez pas, vous ne pourrez pas me donner un avis, reprit Sophie, qui continua ainsi en variant adroitement ses différentes émotions et en changeant le son de sa voix suivant les péripéties de son récit. Vous vous rappelez la résolution que j’avais prise pour me débarrasser de ces infâmes Heathcote ; vous savez que j’ai écrit à sir Charles Temple en le priant de me soustraire à leur tyrannie. Eh bien, loin de me défendre contre mon autre tuteur, je vais être par sir Charles lui-même rendue la victime d’un affreux complot. Pendant les premiers jours qui ont suivi son retour, tout allait beaucoup mieux, et j’avais pris la résolution de supporter la vue des Heathcote jusqu’à ma majorité plutôt que de rompre par un éclat avec mes tuteurs et ma famille. Mais maintenant mon supplice est augmenté par des persécutions continuelles, et certes, je préfère la mendicité à des propositions que mon cœur ne peut entendre et que je déteste : sir Charles veut me forcer à l’épouser immédiatement, et mon autre tuteur est d’accord pour cela. Enfin, en me découvrant ces projets, le major Heathcote m’a juré que, si je n’épousais pas le mari qu’il me proposait, il saurait bien m’empêcher de recevoir des jeunes gens auxquels je donne la clef de mon parc et qui me font refuser de lui obéir. Vous comprenez, chère miss Brandenberry, que je ne pouvais plus supporter cette tyrannie : c’est, pourquoi j’ai pris mes diamants avec moi et je suis accourue vous demander conseil. »

Quand elle eut terminé sa tirade, non sans rougir beaucoup en prononçant les mots jeunes gens, Sophie se cacha le visage dans les bras de son amie ; Richard profita de cet instant pour se précipiter à ses genoux, lui renouveler la déclaration de son amour et lui con-