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Page:Trotsky - La Révolution défigurée, 1929.djvu/15

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de la façon la plus impérative — la nécessité d’un changement de politique économique.

Dans un pays où les forces productives essentielles sont la propriété de l’État, la politique de la direction étatique constitue un facteur direct et, pour une étape déterminée, un facteur décisif de l’économie. Dès lors, toute la question est de savoir si ladite direction est capable de comprendre la nécessité d’un changement de politique, et si elle est en état de le réaliser pratiquement. Nous revenons ainsi à la question de savoir dans quelle mesure le pouvoir d’État se trouve encore entre les mains du prolétariat et de son parti, c’est-à-dire dans quelle mesure il continue à être le pouvoir de la Révolution d’Octobre. On ne peut répondre à cette question a priori. La politique ne possède pas de règles mécaniques. Les forces des classes et des partis se révèlent dans la lutte. Et la lutte est encore tout entière à venir.

La dualité du pouvoir, c’est-à-dire l’existence parallèle du pouvoir ou du semi-pouvoir de deux classes antagonistes — comme par exemple dans la période de Kérensky — ne peut s’éterniser longtemps. Une telle situation critique doit se résoudre dans un sens ou dans l’autre. L’assertion des anarchistes ou des anarchisants, que l’U. R. S. S. serait d’ores et déjà un pays bourgeois, est on ne peut mieux réfutée par l’attitude que la bourgeoisie elle-même, intérieure et étrangère, adopte à ce sujet. Aller plus loin que reconnaître l’existence d’éléments de dualité du pouvoir serait théoriquement faux, politiquement dangereux ; ce serait même un acte de suicide. Le problème de la dualité du pouvoir consiste donc, dans le moment présent, à savoir dans quelle mesure les classes bourgeoises se sont enracinées dans l’appareil d’État soviétique et dans quelle mesure les idées et les tendances bourgeoises se sont enracinées dans l’appareil du parti du prolétariat. Car, de ce degré, dépendent la liberté de manœuvre du Parti et la possibilité pour la classe ouvrière de prendre les mesures nécessaires de défense et d’attaque.