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Page:Troude ha Milin - Ar marvailler brezounek.djvu/239

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LE CONTEUR BRETON

de longue durée. Quand ils furent seuls tous les deux, la bête dit à sa femme : — Là est votre lit, mettez-vous-y ; je resterai ici au pied de la table. — Sans doute que vous n’y resterez pas, dit la nouvelle mariée, vous auriez trop froid ; puis, ajouta-t-elle, cela n’est pas convenable. Et si l’on nous voyait ou si l’on nous entendait, on causerait sur notre compte ?

— Pour moi, dit la bête, je n’ai jamais froid et, de plus, je ne fais aucun cas de ce que pourrait dire la langue des hommes. Quand on a passé neuf cents ans dehors, au pied d’un arbre, quelque temps qu’il fît, vous pouvez croire qu’on ne se soucie de rien. Soyez donc sans inquiétude au sujet de ces sortes de choses, et laissez-moi aller, puisque je le veux et qu’il le faut, qui plus est.

Celle-ci, la nouvelle mariée, sans montrer de mauvaise humeur, laissa alors aller la bête au pied de la table, et elle se mit au lit. Quoi qu’il en soit, elle eut beau faire, elle ne put pas dormir plus que le chien du moulin, c’est-à-dire qu’elle avait un œil fermé et l’autre ouvert, pour voir ce qui adviendrait. Elle eut beau faire ainsi, elle ne put bannir son inquiétude. Elle faisait mine et semblant de dormir, en regardant du coin de l’œil, lors qu’elle aperçut bientôt le monstre s’étendant et se roulant sur le dos et sur le ventre, comme s’il avait des tranchées. — Tout-à-l’heure, dit·elle, il y aura ici quelque chose de nouveau, je crois.

En disant cela en elle-même, elle ne bouge ni