Page:Troude ha Milin - Ar marvailler brezounek.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
LE CONTEUR BRETON

il était sur les dents. — Repose toi tant que tu le trouveras bon, dit le lion ; quant à moi je suis suffisamment défatigué, et tout-à-l’heure, quand je vais te tomber dessus, je te tuerai comme un ver de terre. — Si je pouvais avoir un morceau de viande de bœuf à manger et son sang à sucer, je te hacherais aussi menu que son de froment. — Si tu as faim, dit le lion, mange cette peau qui pend à ton corps difforme et dégoûtant ; et si tu as soif, lèche tes blessures et bois le sang qui en jaillit. Pour moi, je n’ai d’autre faim que de te mettre en pièces, et avec mes griffes je te mettrai en pièces aussi menu que tripes. Tu as demandé à te reposer ; repose-toi donc jusqu’à demain, et fortifie ton corps jusque là, si tu peux, car si tu ne le fais, tu ne le feras pas plus tard non plus, par la raison que tu ne verras pas le soleil se coucher demain.

Voilà alors le lion qui conduit devant lui les bestiaux au manoir, sans qu’un seul eût été dévoré. Le maître alors vérifie combien il y en a, et trouvant qu’ils y étaient tous sans exception, il dit à Ivon : Il n’y a pas beaucoup d’hommes comme toi ; j’ai entendu dire que tu t’étais battu avec l’ogre et que tu l’avais mis sur les dents. — C’est vrai, dit Ivon ; aujourd’hui je me suis battu avec lui, et demain je le tuerai. Je lui ai laissé la vie pour lui montrer à qui il avait eu affaire et pour lui prouver qu’il avait trouvé son pareil. Je voudrais qu’il pût être, dès demain, la moitié plus fort qu’il n’était aujourd’hui, et qu’il pût être guéri et même trois fois plus fort. Demain vous