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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/22

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ras faire toute sorte de bien à tes administrés. Jette les yeux sur cette perspective : vois qu’il ne tient qu’à toi de te rendre très-utile à ton pays, d’acquérir une haute réputation, peut-être de te frayer le chemin au ministère. Au lieu que, si toi-même tu te fermes la porte, si tu romps la planche qui est sous tes pieds, tu seras borné à juger des procès ; tu faneras, tu épuiseras, à discuter de petites affaires privées, ton génie propre aux plus importantes affaires publiques. »

Turgot se contenta de répondre :

« Mes chers amis, je suis extrêmement touché du zèle que vous me témoignez, et plus ému que je ne puis l’exprimer du sentiment qui le dicte. Il y a beaucoup de vrai dans vos observations ; prenez pour vous le conseil que vous me donnez, puisque vous pouvez le suivre. Quoique je vous aime, je ne conçois pas entièrement comment vous êtes faits. Quant à moi, il m’est impossible de me dévouer à porter toute ma vie un masque sur le visage. »

Il resta, en effet, inébranlable dans son dessein, quitta l’habit ecclésiastique ; et comme il avait mêlé l’étude du droit à celle de la théologie, se fit recevoir conseiller-substitut du procureur-général, le 5 janvier 1752. Dès lors commença pour Turgot une carrière qui peut se partager en quatre périodes bien distinctes : le temps écoulé depuis son entrée dans le monde jusqu’à sa nomination à l’intendance de Limoges en 1761, les treize années de son intendance, son rapide passage au ministère, et l’époque de sa disgrâce. Mais il convient, avant d’en esquisser le tableau, de revenir un instant encore sur les bancs du séminaire et de la Sorbonne, où le génie économique, philosophique et politique de cet homme célèbre s’était révélé avec éclat.

La première pièce justificative à l’appui de cette assertion se trouve dans une lettre sur le papier-monnaie, écrite du séminaire à l’abbé de Cicé, en 1749. Dans cette lettre, que malheureusement l’on ne possède pas tout entière, l’auteur démontre combien étaient chimériques toutes les données sur lesquelles reposait le système de Law, qui avait abouti à une