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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/271

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ques notaires et quelques négociants principaux donneraient aux magistrats les lumières nécessaires pour fixer cette notoriété en connaissance de cause. Un acte de cette espèce fait dans chacune des villes où réside un parlement, suffirait pour toute l’étendue du ressort.

XXXVIII. — L’imputation des intérêts prétendus usuraires sur le capital, et toutes les poursuites criminelles pour fait d’usure, devraient être abrogées.

Une conséquence immédiate de l’adoption de ces principes serait l’abrogation de l’usage où sont les tribunaux d’imputer sur le capital les intérêts payés ou sans aliénation du capital, ou à un taux plus fort que celui de l’ordonnance.

Une seconde conséquence qu’on en tirerait à plus forte raison, serait la suppression de toute poursuite criminelle sous prétexte d’usure. Ce crime imaginaire serait effacé de la liste des crimes.

XXXIX. — Avantages qui résulteraient pour le commerce et la société en général d’une loi entièrement conforme aux principes qui viennent d’être développés.

Le commerce de l’argent serait libre comme doit l’être tout commerce. L’effet de cette liberté serait la concurrence, et l’effet de cette concurrence serait le bas prix de l’intérêt ; non-seulement parce que la honte et les risques attachés au prêt à intérêt sont une surcharge que l’emprunteur paye toujours, de même que celui qui achète des marchandises prohibées paye toujours les risques du contrebandier, mais encore parce qu’une très-grande quantité d’argent, qui reste inutile dans les coffres, entrerait dans la circulation lorsque le préjugé, n’étant plus consolidé par l’autorité des lois, aurait peu à peu cédé à la raison. L’économie en deviendrait d’autant plus active à accumuler des capitaux, lorsque le commerce d’argent serait un débouché toujours ouvert à l’argent. L’on ne peut aujourd’hui, placer l’argent qu’en grosses parties. Un artisan est embarrassé de ses petites épargnes ; elles sont stériles pour lui jusqu’à ce qu’elles soient devenues assez considérables pour les placer. Il faut qu’il les garde, toujours exposé à la tentation de les dissiper au cabaret. Si le commerce d’argent acquérait le degré d’activité que lui donnerait la liberté entière et l’anéantissement du préjugé, il s’établirait des marchands d’argent qui le recueilleraient en petites sommes, qui rassembleraient dans les villes et dans les campagnes les épargnes du peuple laborieux pour en former des capitaux et les fournir aux