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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/280

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même temps chargée de rédiger une déclaration pour fixer la jurisprudence sur l’usage du prêt à intérêt dans le commerce.


OBSERVATIONS DE DUPONT DE NEMOURS.

Une considération générale peut être ajoutée à celles que présente cet excellent ouvrage.

Le débit annuel de toute la partie des récoltes qui n’est pas consommée par leurs cultivateurs, ne peut être opéré qu’au moyen de l’échange qui a lieu, quelquefois directement, mais presque toujours indirectement, entre les productions de différente nature que ces récoltes ont fournies.

Ce sont les diverses récoltes qui servent à se payer mutuellement, par le prix que les derniers consommateurs donnent des matières ou des denrées fournies par les premiers producteurs.

Ces derniers consommateurs ne peuvent l’être que parce qu’ils ont eux-mêmes des productions ou des marchandises, ou la valeur de productions et de marchandises qu’ils ont déjà vendues, à livrer en échange de celles qu’ils veulent consommer ; ou parce qu’ils ont reçu, pour prix de leur travail, de ceux qui avaient des productions et des marchandises, un salaire avec lequel ils peuvent acheter celles dont ils ont besoin.

Le prix auquel ils les payent en les acquérant embrasse, outre la valeur de la matière première, le remboursement de tous les frais, c’est-à-dire de tous les travaux intermédiaires de transport et de fabrication ; c’est-à-dire encore de toutes les consommations qu’ont pu et dû faire les fabricateurs, les commerçants, et leurs agents de toute espèce.

Pour que les récoltes soient complètement payées, il faut donc attendre de toute nécessité que leur dernier échange ait été fait.

Cependant il n’y a point de récolte dont la partie commerçable, avant d’arriver à la consommation, ne passe par plusieurs mains, et celles qui demandent de grandes préparations, ou qu’il faut conduire à de grandes distances, par une multitude de mains.

Il est impossible qu’à chaque transmission d’une de ces mains à l’autre, la denrée ou la marchandise soit payée comptant.

Pour qu’elle pût l’être, il faudrait que chaque acquéreur intermédiaire eût une somme de numéraire disponible égale à la valeur de son acquisition, et qu’il y eût en circulation une quantité de monnaie, ou d’autres valeurs réelles, six fois, dix fois, peut-être vingt fois au-dessus de ce que vaut la partie commerçable des récoltes. Cela ne se peut. Si cela se pouvait, ce serait un mal : car cette masse énorme de numéraire, qui ne serait employée qu’à des transmissions de services et qu’elles absorberaient, ne pourrait pas être en même temps employée à solder des travaux véritablement productifs.

L’expérience montre que chez les nations riches, une somme de numéraire égale à la moitié du produit net des terres, et, chez les nations pauvres, à la valeur totale de ce produit net, suffit à tous les besoins de la circulation.