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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/297

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conserve des grains des années où la récolte est surabondante pour celles où elle sera insuffisante, est le soin d’en former des magasins. »

Il montre que pour en multiplier les magasins, pour en couvrir le pays, et pour les faire bien administrer, le meilleur encouragement est la certitude qu’ils n’exposeront leurs propriétaires à aucun danger, et qu’on ne mettra point obstacle à ce qu’ils aient la liberté de les vendre au prix augmenté que les travaux même de la garde, le déchet qu’on ne peut éviter, et l’intérêt de l’argent, qui d’année en année, jusqu’au débit, se cumule avec le capital déboursé, rendront nécessaire ; et même, s’il y a lieu, avec le bénéfice que la concurrence permettra, et qu’elle empêchera toujours d’être excessif, puisque plus il y aura de magasins et de magasiniers (c’est-à-dire de gens qui auront de la denrée à proposer et de l’argent à réaliser), moins le prix moyen pourra s’élever, car le prix baisse en raison de la multitude des offreurs, comme il hausse en raison de leur petit nombre.

Il prouve que l’on ne doit pas plus envier le profit d’un commerce si utile à la société, et qui seule en assure l’existence dans les années stériles, aux gens qui en ont fait les avances et supporté le travail, que l’on n’envie le profit des autres commerces dont la multiplicité des magasins et leur concurrence règlent pareillement les prix.

M. Turgot observe que les magasins ne peuvent être bien tenus et profitables qu’autant qu’on les laisse faire aux particuliers et qu’on protège ce genre d’industrie, attendu qu’il n’y a que les particuliers qui soignent bien leurs affaires.

Les magasins que feraient le gouvernement ou les villes, avec la certitude pour les administrateurs que la perte ne les regarde pas, seront toujours mal tenus ; et l’avantage pour les subalternes de multiplier les frais dont ils vivent, les rend entièrement ruineux.

M. Turgot remarque encore que les magasins et les entreprises de commerce des blés pour le compte du gouvernement ou des corps municipaux, après avoir consumé des frais énormes, doivent nécessairement amener la disette ; parce que nul commerçant ne peut ni ne veut s’exposer à la concurrence avec l’autorité. De sorte que pour faire, à force d’argent et d’impôts, de faibles approvisionnements mal conservés, on se prive de tous les secours du commerce.

Or, il n’y a que le commerce, qui ayant dans des milliers de mains