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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/315

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mentation de dépense, ou en diminution du revenu, la totalité du nouvel impôt.

Quelques personnes pourraient s’imaginer qu’au moyen des impositions sur l’entrée et la sortie des marchandises qui font l’objet du commerce extérieur, on peut parvenir à faire contribuer les étrangers aux revenus de l’État et à détourner le poids d’une portion des impôts de dessus la tête des propriétaires nationaux ; mais c’est une pure illusion.

Dans un grand État, le commerce extérieur forme un objet très-modique en comparaison du commerce intérieur des productions nationales. Les marchandises importées de l’étranger pour la consommation nationale ne font qu’une très-petite partie de la consommation totale, et les marchandises exportées pour la consommation de l’étranger ne sont aussi qu’une très-petite partie de la production. La raison en est simple : les marchandises étrangères sont en général un objet de luxe qui n’est à la portée que des riches ; le peuple ne consomme que ce qu’il trouve près de lui, et le peuple fait partout le plus grand nombre. La plus forte partie de la consommation d’une nation est en subsistances et vêtements grossiers. L’importation qui semblerait devoir être la plus considérable est celle du vin dans les pays auxquels la nature a refusé cette production ; cependant elle est dans le fait assez modique, et le peuple trouve plus commode et moins coûteux d’y suppléer par d’autres boissons, comme le cidre et la bière[1].

Il y a, je le sais, quelques exceptions apparentes à ce que je viens d’avancer. La principale est celle du commerce avec les colonies américaines, qui, pour une partie des subsistances et pour la totalité des vêtements, consomment presque uniquement des marchandises de l’Europe ; mais sans entrer dans un détail qui serait trop long pour développer les causes de ces exceptions et montrer comment elles se concilient avec le principe, je me contenterai d’observer qu’un tel commerce suppose une excessive inégalité entre les prix du lieu de la production et ceux du lieu de la consommation. Or,

  1. Cette remarque est très-judicieuse. Bien que les objets d’importation aient cessé d’être des consommations de luxe, il est encore vrai de dire que le commerce d’importation n’est rien, comparé au commerce intérieur.

    Les pages qui suivent contiennent l’exposition de la plus saine doctrine de liberté commerciale. (Hte D.)