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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/325

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533,000 setiers de froment, et à peu près autant de seigle et d’orge ; en tout 1,410,000 setiers. Les seules années pendant lesquelles cette importation ait pu former un objet sensible, sont : 1728, où l’importation en froment fut de 140,000 setiers ; 1729, où elle fut de 17,000 setiers ; 1740, où elle fut de 10,000, et 1741, où elle fut de 14,000 setiers. J’ignore l’importation comme l’exportation qui ont pu avoir lieu depuis 1765, n’en ayant pas l’état sous les yeux ; et nous n’en avons pas besoin, les états des années antérieures font assez connaître que ce n’est point à l’importation des grains étrangers que l’Angleterre doit, non-seulement d’avoir été préservée des disettes, mais encore d’avoir joui d’un prix courant avantageux aux cultivateurs et aux consommateurs, par son égalité, et avantageux encore à ceux-ci, par la diminution réelle sur les prix moyens.

À cette expérience opposeriez-vous, monsieur, la cherté qu’on a éprouvée depuis quatre ans dans plusieurs provinces du royaume ? Vous opposeriez donc une expérience de quatre ans à une de quatre-vingts et même de cent vingt ans.

L’expérience actuelle est d’ailleurs très-peu concluante, car il faudrait qu’il fût prouvé que la cherté que nous éprouvons est l’effet de la liberté.

Or, bien loin que cela soit prouvé, le contraire est évident.

Nous avons sous nos yeux une cause palpable de cherté, et cette cause est une suite de mauvaises récoltes ; on en a éprouvé quatre de suite, comme on en avait eu sept à la fin du dernier siècle.

Alors l’Angleterre jouissait de la liberté, et nous, nous étions livrés à toute l’inquiétude et l’agitation du régime réglementaire. L’Angleterre fut tranquille, les prix y furent chers, mais non exorbitants.

Les nôtres, en 1693 à 1694, montèrent à 77 livres 9 sous, — 57 livres 14 sous, — 61 livres 9 sous, — 85 livres 13 sous de notre monnaie actuelle ; cela est bien grandement au-dessus de ce dont on se plaint aujourd’hui comme d’une cherté alarmante, et dont on accuse si mal à propos la liberté ; tandis qu’on a troublé de tous côtés cette liberté, qui aurait vraisemblablement suffi pour préserver le royaume de toute calamité, si on eût laissé le commerce s’affermir et se monter.

La cherté que nous éprouvons est certainement moindre, du