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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/329

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année que le neuvième de renouvelé. De plus, la très-grande partie des fermiers ont soin de se les faire renouveler deux ans ou du moins un an d’avance, ce qui porte le renouvellement total des baux à la onzième année après l’époque de l’augmentation supposée des prix. Il est encore à remarquer que les baux renouvelés la première année après que la liberté a été rendue, n’ont pas dû être augmentés beaucoup. Le laboureur ne calcule guère le prix de son fermage sur des espérances et sur des spéculations politiques ; c’est d’après le profit réel qu’il a fait et qu’il a vu se renouveler plusieurs fois de suite, qu’il se détermine à donner un plus haut prix de sa ferme : il est vraisemblable que par la même raison l’augmentation des baux sera d’autant plus forte que l’époque du renouvellement sera plus éloignée de celle de l’établissement de la liberté. Je suis même persuadé que sans la circonstance extraordinaire de plusieurs mauvaises années consécutives arrivées immédiatement à la suite de l’édit de 1764, la révolution à cet égard aurait été beaucoup moins prompte qu’elle ne l’a été, et que l’augmentation effective des baux a été accélérée parce que les laboureurs ont été trompés sur les avantages de l’exportation, comme d’autres l’ont été sur ses prétendus désavantages ; ils ont cru que l’exportation devait hausser le prix des grains. Plus tôt enrichis, ils ont cru plus tôt pouvoir partager cet accroissement de profits avec les propriétaires.

Quoi qu’il en soit, en combinant toutes ces considérations, et prenant une espèce de milieu entre les baux qui ne sont renouvelés que dans les premières années, et ceux qui ne se renouvelleront que dans les dernières, je ne crois pas me tromper en estimant que, l’un portant l’autre, l’augmentation entière des revenus pendant les six premières années a dû tourner au profit des seuls cultivateurs.

Or, cet accroissement de richesses pour la classe des fermiers cultivateurs est un avantage immense pour eux et pour l’État. Si l’on suppose, ce qui ne s’éloigne pas beaucoup du vrai, et vraisemblablement est au-dessous, que l’augmentation réelle du produit des terres soit le sixième du prix des fermages, ce sixième accumulé pendant six ans au profit des cultivateurs fait pour eux un capital égal à la somme du revenu des terres affermées. Je dis un capital, car le profit des cultivateurs n’est pas dissipé en dépenses de luxe. Si l’on pouvait supposer qu’ils le plaçassent à constitution pour en tirer l’intérêt, ce serait certainement un profit net pour eux, et l’on