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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/47

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c’est-à-dire par des biens-fonds. Il prévoit avec raison que, sans cette mesure, qui ne s’applique du reste qu’à la religion protégée par l’État, on verrait, par l’effet des révolutions qui s’opèrent dans l’esprit humain, tous les cultes s’élever successivement sur les ruines les uns des autres, et l’avarice laisser une grande partie du territoire privé de tout enseignement religieux. Quant aux cultes simplement tolérés, il en met l’entretien à la charge exclusive de leurs sectateurs, et pense que l’État ne doit pas permettre qu’ils soient dotés de fonds inaliénables, parce que c’est créer un obstacle à la fusion désirable, et qui pourrait se réaliser à la longue, de toutes les croyances religieuses.

Les Lettres sur la tolérance et le Conciliateur n’agitent pas seulement la question des vrais rapports de l’Église et de l’État. On peut encore considérer ces opuscules comme un cours de morale appliqué à la politique, qu’il est impossible de lire sans un profond respect pour la mémoire de Turgot. On jugera de tout ce que nous ne saurions dire à cet égard, par ces paroles dirigées contre le faux principe, qu’on peut sans scrupule sacrifier tous les droits individuels au bien prétendu de l’État : « On s’est beaucoup trop accoutumé dans les gouvernements, s’écrie-t-il, à immoler toujours le bonheur des particuliers à de prétendus droits de la société. On oublie que la société est faite pour les particuliers ; qu’elle n’est instituée que pour protéger les droits de tous, en assurant l’accomplissement de tous les devoirs mutuels. »

Les articles Foires et marchés, et Fondation, de l’Encyclopédie, continuèrent la démonstration de cette rare intelligence économique dont Turgot avait donné la preuve dans la Lettre sur le papier-monnaie. Si on les rapproche de l’article Économie politique, charité que Jean-Jacques faisait dans le même temps au gigantesque Dictionnaire de Diderot, rien ne sera plus propre à montrer quelle différence il y a d’un véritable philosophe à un rhéteur ou à un utopiste. Mais c’est surtout dans l’Éloge de Gournay que l’éducation de l’illustre disciple des physiocrates paraît être terminée. Le panégyrique des