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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/472

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II. Si nos bons Anglais pouvaient voir avec un télescope ces marchands et ces manufacturiers qui, dans toute l’Europe, travaillent à les supplanter et à faire tomber le débit de leurs fabriques, ne diraient-ils pas alors avec bien plus de vérité : « Voilà, voilà ceux qui nous ôtent le pain de la bouche ? » Mais en rejetant le bill pour la naturalisation, se flatte-t-on de remédier à ce mal ?

III. Si quelqu’un a porté chez l’étranger les secrets de notre commerce, est-ce aux étrangers qu’il faut s’en prendre, ou aux Anglais ? Ne sont-ce pas les Anglais établis depuis peu dans plusieurs royaumes de l’Europe qui ont enseigné aux peuples de ces royaumes à faire certains ouvrages dont nous possédions seuls la perfection ? N’avons-nous pas des preuves indubitables qu’ils ont eux-mêmes sollicité des édits pour interdire l’entrée de ces ouvrages fabriqués en Angleterre ?

IV. Ne fabrique-t-on pas en Angleterre des outils de toute espèce qu’on embarque journellement pour l’usage des manufactures étrangères ? Et les ouvriers anglais n’iront-ils pas montrer aux étrangers l’usage de ces outils dès qu’ils y seront engagés par l’offre d’un prix suffisant ?

V. Si les rois de France, d’Espagne, de Portugal, de Prusse, etc., veulent établir chez eux quelques manufactures anglaises, quel sera le meilleur moyen pour y réussir ? Sera-ce d’attirer des ouvriers anglais par des récompenses et des salaires avantageux, ou bien de dépenser beaucoup pour envoyer ici leurs propres sujets, et pour les y entretenir jusqu’à ce qu’ils soient instruits à fond de nos pratiques ? Laquelle de ces deux voies est la plus prompte, la plus sûre, la moins dispendieuse, la plus communément pratiquée, et avec le plus de succès ?

Section XVIII. — Il est également de la bonne politique d’envoyer des Anglais dans nos colonies, et d’attirer des étrangers pour venir augmenter notre nombre.

I. N’est-ce pas un principe fondamental du gouvernement et du commerce, que l’augmentation du travail produit l’augmentation du peuple ?

II. Les colonies et les plantations, dirigées par des mesures convenables[1], n’augmentent-elles pas le travail ?

  1. On peut voir quelles sont ces mesures convenables dans l’Essai sur le commerce, page 92 de la deuxième édition, chez T. Trye Holborn, et je suppose que le chevalier Josias Child avait dans l’esprit quelques-unes de ces mesures, lorsqu’il a avancé que c’était une erreur populaire de dire que les colonies tendaient à diminuer le nombre des habitants de la métropole. (Note de l’auteur.)