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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/502

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dé cette ville, qu’on a opposé à ses demandes l’intérêt des habitants de La Rochelle et celui des fermiers généraux.

Quant à ce dernier intérêt, je n’ignore pas que, lorsqu’en différentes occasions il a été question d’augmenter le nombre des villes auxquelles les lettres-patentes de 1717 avaient accordé la liberté de commercer directement aux colonies, les fermiers généraux ont opposé l’augmentation de frais qui en résulterait pour leur régie, par l’obligation où ils seraient d’établir de nouveaux bureaux dans ces ports ; mais je sais aussi qu’on a évalué la force de cette objection, et qu’on n’en a pas moins, avec grande raison, accordé, depuis quinze ans, la liberté du commerce des colonies à un grand nombre de ports qui n’en jouissaient pas. On a pensé très-justement que, si les frais de régie devenaient un peu plus forts, la perception des droits augmenterait dans une plus grande proportion encore, parce que les produits des droits augmentent avec le commerce, et que le commerce s’accroît en raison des facilités de le faire. Les fermiers généreux ont appris vraisemblablement, par l’expérience, que leur intérêt bien entendu s’accordait avec l’intérêt du commerce ; et le gouvernement a dû apprendre mieux encore que, si l’intérêt du commerce et celui de la ferme pouvaient être contraires, l’intérêt de l’État serait toujours de favoriser le commerce par préférence ; un propriétaire éclairé sait bien qu’il ne doit pas sacrifier l’amélioration de sa terre à l’intérêt momentané de son fermier.

Quant à l’intérêt prétendu des habitants de La Rochelle, il mérite, s’il est possible, encore moins de considération. Qu’importe à l’État que le commerce soit fait par telle ou telle ville ? Ce qui lui importe, c’est que le commerce soit fait aux moindres frais possibles ; que les sujets de l’État aient le débit le plus avantageux de leurs denrées, et que par conséquent ils aient le plus grand choix entre les acheteurs ; qu’ils se procurent les objets de leurs jouissances au meilleur marché qu’il soit possible ; que par conséquent ils aient le plus grand choix entre les vendeurs ; que les marchandises dont ils ont besoin ne soient pas surchargées de frais intermédiaires. C’est ce qui arrive naturellement et de soi-même quand les routes du commerce sont libres, parce que chaque vendeur et chaque acheteur choisissent celle qui leur convient le mieux. Si les marchandises du royaume se débouchent mieux par La Rochelle, si celles des colonies y arrivent et en sortent à moins de frais que par la