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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/52

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la liberté des approvisionnements, et en violant sans scrupule le droit de propriété dans la personne des cultivateurs. Turgot fit casser toutes les mesures de ce genre par le Conseil, prescrivit la modération et la fermeté à tous les agents sous ses ordres, éclaira le peuple par l’intermédiaire des curés, et ne négligea aucun des moyens qui étaient en son pouvoir pour lui procurer du pain et du travail. Aux secours qu’il obtint du gouvernement, il joignit toutes ses ressources personnelles disponibles, et contracta même un emprunt de 20,000 livres pour le répandre en bienfaits. Il organisa les ateliers de charité de manière que les hommes, les femmes et les enfants pussent y trouver de l’occupation, et leur subsistance à la portée des lieux où on les employait. Il établit des bureaux de charité dans toutes les communes, et leur traça minutieusement leurs devoirs dans une longue instruction qui commence par ces belles paroles : « Le soulagement des hommes qui souffrent est le devoir de tous et l’affaire de tous. » En conséquence, la charité fut provoquée dans toutes les classes, et l’égoïsme combattu fortement, même par des mesures coercitives. Si toute l’activité de Turgot, et la liberté du commerce qui ne peut faire des miracles, surtout quand on l’improvise, ne préservèrent pas le Limousin d’une misère cruelle, elles parvinrent du moins à le sauver des horreurs de la famine. Ce grand homme rendit ensuite un compte fort détaillé de toutes ses opérations au contrôleur-général. Dans ce document qui porte, comme tout ce qui est sorti de sa plume, l’empreinte de l’admirable simplicité avec laquelle il faisait le bien, les lignes suivantes sont les seules qui se rapportent à sa personne. Il avait excédé d’environ 90,000 livres le crédit que le ministre lui avait ouvert, et il s’en excuse en ces termes : « J’ose me flatter qu’un déficit de moins de 90,000 livres sur des opérations de plus de 1,240,000 livres vous étonnera moins, et que vous jugerez moins défavorablement de mon économie ; peut-être vous paraîtrai-je mériter quelque approbation : c’est la principale récompense que je désire de mon travail[1]. »

  1. Voyez Travaux relatifs à la disette de 1770 et de 1771 dans la généra-