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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/537

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II. COMPARAISON
DE L’IMPÔT SUR LE REVENU DES PROPRIÉTAIRES
ET
DE L’IMPÔT SUR LES CONSOMMATIONS[1].


Comme chaque citoyen, en achetant la denrée qu’il veut consommer, semble ne payer que volontairement l’impôt dont elle est chargée, bien des personnes, et même quelques écrivains illustres, séduits par cette apparence de liberté, n’ont pas hésité à préférer à tout autre genre d’impôts ceux qui sont établis sur les diverses consommations et sur l’entrée et la sortie des marchandises.

Mais ceux qui ont approfondi la matière sont bien loin de penser ainsi. Leurs réflexions, d’accord avec l’expérience, leur ont démontré que la totalité des impôts, sous quelque forme qu’ils soient levés, est toujours, en dernière analyse, payée par les propriétaires des terres, soit directement par l’application d’une partie de leur revenu aux besoins de l’État, soit indirectement par la diminution de leur revenu, ou par l’augmentation de leur dépense.

Il est évident, au premier coup d’œil, que tout impôt mis sur les cultivateurs est supporté par les propriétaires, puisque le cultivateur qui recueille immédiatement les fruits du sol n’en rend et n’en peut rendre au propriétaire, soit en nature, soit en valeur, que ce qui reste déduction faite de tous les frais de culture, dans lesquels sont

  1. Ce Mémoire, dont on n’a que le commencement, avait été fait pour M. Franklin, et dans la vue de préserver les États-Unis d’Amérique d’un genre d’impôts auquel l’exemple de l’Angleterre les poussait fortement.

    Le général Hamilton, alors ministre des finances, homme très-aimable, de beaucoup d’esprit, et dans de fort bons principes relativement à la nécessité de l’exactitude dans les payements, dont il avait vu l’exemple en Angleterre, mais qui d’ailleurs était sur tous les autres points du parti opposé à celui de M. Franklin et de M. Jefferson, préféra pour les impositions le système anglais aux opinions raisonnées des philosophes de France. Il fit des droits d’accise un essai qui fut malheureux dans le nord de la Transylvanie, où il causa une petite guerre civile, et qui ne put réussir ailleurs. (Note de Dupont de Nemours.)